Lily bâilla et se frotta les yeux.
La nuit avait été courte. Aussi, si elle l’avait passée à dormir au lieu de batifoler comme une petite folle dans la forêt interdite, ça se serait mieux passé. Mais voilà, cette nuit-là elle avait relevé un défi, et elle n’était pas du genre à se débiner pour un truc aussi stupide que le sommeil. C’est une Serpentard, que diable, le sommeil ça se combat ! La veille, Jim l’avait mise au défi de l’accompagner dans la forêt interdite, et elle avait accepté. Et pendant la nuit, elle avait quitté sa salle commune pour rejoindre la forêt où il l’attendait, son arrière-train canin sagement posé sur la terre herbeuse. Et ensuite ils avaient agi comme deux gamins. Pendant quelques minutes, il avait béatement accepté de courir comme un toutou après le bâton qu’elle lui lançait, puis ils avaient joué à cache-cache. Jim la trouvait assez facilement, à cause de son flair. Mais Lily s’était plutôt bien défendue en le trouvant en moins de cinq minutes quatre fois de suite. Bon, après une acromentule lui avait sauté dessus pour la bouffer et Jim en avait fait son goûter de minuit, l’éventrant comme un couteau coupe du beurre. Et ils s’étaient sagement rabattus vers la lisière de la forêt, comme s’ils prenaient enfin conscience que la forêt, c’est dangereux, pour une humaine, même pour une fille aussi tarée que puisse l’être Lily Potter, seconde du nom.

Du coup, maintenant, Lily était fatiguée. Et son cours d’étude des runes ne l’aidait pas à se concentrer. La prof parlait d’une voix monocorde des différents états des runes dans les sortilèges liés gallo-romains, et il faut avouer que ça ne l’intéressait pas du tout. Mais bon, elle avait une pause juste après, elle pourrait se poser dans l’herbe et rattraper rapidement sa nuit ratée. Elle étouffa un bâillement, et Hugo lui donna un coup de coude dans le ventre pour la forcer à émerger. Elle retint son grognement excédé, ne voulant pas attirer sur elle l’attention de la classe silencieuse et de la prof anormalement calme. De temps à autre, elle jetait un coup d’œil à sa montre en or pour voir combien de temps il restait. Une heure trente … Une heure vingt-cinq … Quoi ?! Rien que cinq minutes ?! Hey, pourquoi ces cinq minutes ont-elles duré une heure ?! Finalement, au bout de ce qui sembla être une vie à Lily, la prof les libéra et elle sortit en bâillant, s’attirant un ricanement amusé de la part d’Hugo.


D’un pas vif, les deux cousins se dirigèrent vers la grande salle et s’abandonnèrent aux portes, Lily allant à la table de Serpentard et Hugo à celle de Poufsouffle. Sans beaucoup de grâce, Lily se laissa tomber sur le banc à côté d’Iris occupée à mâchonner un bout de quelque chose de fibreux. Elle se servit de quoi manger et commença son repas en se frottant les yeux de temps en temps, sans tenir compte des bavardages autour d’elle. Ca commérait pas mal, d’ailleurs. Oxana avait été vue en train d’embrasser un garçon, son cousin Fred avait refait le portrait d’un type qui crachait sur les homosexuels, Vitya avait planté un de ses couteaux dans la main d’un garçon qui avait traité Aleera de pute, Alekseï avait passé par-dessus les escaliers un type qui avait insulté et frappé sa sœur jumelle, Alice avait encore cassé quelque chose en cours de divination, bref, les potins habituels quoi. Lily s’y intéressait mais à petite dose. Disons que ça ne sortait pas des masses de l’ordinaire, alors elle finissait par se lasser. Un garçon finit par remarquer son regard voguant dans le lointain, et joua au petit curieux.


Un silence choqué lui répondit. Lily esquissa un sourire amusé.


Voilà qui correspondait mieux. Le silence choqué laissa place à quelques rires, et les gens se désintéressèrent d’elle. Très vite, elle termina son repas et quitta la table, ayant décidé qu’elle passerait sa pause à se griller la couenne au faible soleil de Septembre. Elle traversa la cour de l’école les mains dans les poches, indifférente aux bavardages, et alla se poser sous un arbre, s’appuyant confortablement contre le tronc pour sortir ses affaires. A savoir MP3 et livre de cours, car elle a potions après, et il faut bosser pour ce foutu Optimal qui lui permettra de postuler au cursus spécial. Ouvrant ses notes, elle commença à lire, sans s’intéresser à ce qu’il se passait autour d’elle. Cependant, quand le pas fluide de Jim parvint à ses oreilles, la Serpentard leva brièvement les yeux pour le surveiller, des fois qu’il décide de lui faire une crasse, et retourna à ses notes.

Contrairement à Lily Potter, Jim ne se contentait pas d'avoir du mal à se concentrer sur ce qui disait son professeur, non, il faisait même mieux : en plein cours d'Astronomie, Lawliett n'était pas loin de ronfler, littéralement endormi sur la table qu'il partageait avec sa carte du ciel. Étrangement, personne n'osait le réveiller depuis la fois où dans la Grande Salle, un Serpentard l'avait sorti de son sommeil en lui versant du jus de citrouille sur la tête et s'était donc vu éclater les dents sur le sol avant de quasiment fuir, le visage en sang. Le lendemain de pleine lune, seul jour où il dormait en classe, n'était vraiment pas le meilleur moment à choisir pour tenter de se mesurer au Gryffondor. Ça, ses camarades l'avaient bien compris, même s'ils n'étaient pas assez observateurs pour se rendre compte que la nuit passée était à chaque fois celle d'une lune particulière. Bien heureusement d'ailleurs, sans quoi on l'aurait déjà questionné sur cette étrange coïncidence.

Bref, effectivement, Jim était complètement crevé. Genre plus qu'après les autres pleines lunes. Pourquoi ? Parce que cette fois-ci avait été spéciale. Cette fois-ci, une personne l'avait accompagné dans la forêt interdite. Et qui d'autre que Lily Potter était assez taré pour faire une telle folie ? Personne, bien sûr. Donc, s'il était dans ses habitudes de se rouler en boule sur un carré d'herbe fraîche en attendant le matin, voire parfois de gambader et se prendre pour un loup aventurier une heure ou deux, jamais il n'avait joué à "va chercher le bâton", cache-cache et autres jeux pour gamins avec qui que ce soit pendant toute la nuit. Alors certes il avait perdu pas mal de sa dignité et probablement fait honte à tous les loups-garou du monde en se la jouant toutou, mais il devait bien avouer que ça avait été la meilleure pleine lune de toute sa vie.

« Monsieur Lawliett ? »
...
« Monsieur Lawliett ?! »
...
« MONSIEUR LAWLIETT ?! »
« Hein ? »

Oula, que le réveil était difficile ! C'est un Jim complètement paumé et cerné comme s'il n'avait plus dormi depuis des lustres qui leva les yeux vers le professeur McNeph, apparemment partagée entre l'amusement et le devoir de prendre un air contrarié. Lui qui s'était dit qu'il tiendrait le coup, c'était raté. Habituellement, il faisait en sorte d'être présent une fois sur quatre en cours malgré son épuisement, histoire de ne pas attirer les soupçons. Au bout de quelques années, les absences mensuelles, ça se remarque. Il l'avait compris et c'était promis de vaincre sa fatigue le plus souvent possible, ce qui n'était pas facile, vu que s'il ne restait pas dans son lit, il dormait un peu n'importe où. Mais c'était toujours moins bizarre que de ne pas se montrer.

« Le cours est terminé, monsieur Lawliett. Et c'est la dernière fois que vous le suivez endormi. Si je vous ai laissé tranquille, c'est bien parce que vous êtes dans un état pitoyable. C'est compris ? »
« Merci, professeur. Ça n'arrivera plus. »

À noter : ne pas dormir pendant le cours d'Astronomie et tenir jusqu'à la pause de midi. Sans grande motivation, le jeune homme réunit ses affaires avant de sortir de la classe après avoir salué la professeur et s'être excusé une seconde fois. Il descendit les escaliers de la tour, direction la Grande Salle où il mangea rapidement, décidé à se détendre pendant sa pause, qui s'avérait tomber en même temps que celle de Lily, s'il se souvenait bien. Et il savait exactement où elle se rendrait en sachant qu'elle était exactement dans le même état que lui. Voilà qui promettrait d'être amusant. Le loup se rendit donc dans le parc et sans grande difficulté, finit par trouver la Serpentard entrain de réviser sur l'herbe chauffée par le doux soleil de septembre. D'habitude, il aurait essayé de la surprendre, mais crevé comme il l'était jamais il ne tenterait quoi que ce soit. Même si c'était fort tentant. Bref, il ne chercha donc pas à se faire discret et s'avança vers elle de son pas habituel avant de s'asseoir lourdement à son côté.

« 'jour ! »

Enfin un peu de vie dans ce simple mot, bien que grossièrement coupé en deux ! C'est bon ça va hein, il est fatigué, alors minimisons les efforts. Il eut un léger rire à l'écoute de sa blague, mais ce qui le faisait sourire bêtement, ce n'était pas ça.

« Heureusement que le cleb baveux en question était là pour la croquer, je suppose. »
Et il souriait toujours, comme un con.
« ... on est sûr que je suis le loup ? Tu as l'air encore plus crevée que moi. Tu as de gros trucs mauves, juste là. »

Et il déposa deux doigts juste sous ses yeux avant de lui ébouriffer les cheveux comme un gamin. Sans oublier de faire mine de s'éloigner, comme s'il craignait de se faire frapper pour avoir commis un tel geste. Décoiffer Lily Potter, oulala. Sacrilège. Pardonnez-le, c'est la fatigue. Ce n'est pas vous qui vous êtes transformé en bête supposée sauvage hier soir.

Lily était tout simplement morte de fatigue. Mais bon, c’est ça de jouer avec un énorme chien dangereux dans la forêt interdite et de manquer de se faire bouffer par une acromentule. N’empêche, elle s’était bien amusée avec Jim dans la forêt, à lui lancer le bâton comme à un toutou et à jouer à cache-cache avec lui. Pour elle, c’était à recommencer. Peut-être pas à la prochaine pleine lune, sinon ça ferait trop flagrant pour Jim. Il avait du passer la matinée entière à dormir au lieu d’essayer de résister comme les fois précédentes, alors que Lily, dont c’était la première pleine lune, avait mieux résisté que lui, certainement. Enfin, là, vautré sous son arbre, elle résistait à moitié. La musique l’engourdissait, la chaleur l’endormait, et ses yeux se fermaient seuls devant ses notes de cours. Elle n’arrivait pas à travailler. Trois nuits blanches de suite ne l’aidaient pas à se concentrer. Si elle avait studieusement passé les deux premières à terminer ses devoirs à la lueur d’une chandelle, son chat noir couché sur ses jambes, la troisième était bien plus bucolique, et maintenant elle sentait le contrecoup de ces nuits sans dormir. Un pas fluide et lourd, cependant, la tira de sa torpeur. Le pas de Jim, qu’elle aurait reconnu entre tous, vu qu’il était habitué à lui faire des blagues de merde rien que pour l’embêter. Mais là, il semblait loin d’avoir en tête l’idée de lui tomber dessus en beuglant. Non, il ressemblait à une loque humaine, pire qu’elle. En gros il avait passé sa matinée à dormir, le bras lui servant d’oreiller et sa table d’astronomie lui servant d’édredon. Super confortable, j’avoue. Il se laissa tomber à côté d’elle, ricanant à sa blague de merde.


Elle s’étira comme un chat, ne bronchant même pas quand Jim lui posa les doigts sur les yeux pour se moquer de ses cernes et lui ébouriffer les cheveux au passage. Normalement, elle aurait du piailler d’un ton faussement scandalisé, s’indigner et lui tomber dessus, mais elle était trop fatiguée pour ce faire. Alors elle se contenta de sourire à nouveau et s’appuyer à nouveau à son arbre, pas si confortable que ça d’ailleurs, avant de reprendre la parole en rangeant précautionneusement ses notes de cours de Potions.


Elle lâcha un nouveau ricanement fatigué et referma d’un claquement sec son livre de Potions pour se laisser glisser dans l’herbe et étirer les bras. Allez, une petite sieste en plein soleil pour les grosses larves ! Très sans-gêne, Lily se cala contre Jim et ferma les yeux en soupirant. Dieu mais qu’elle avait sommeil, et ce soir elle avait encore Potions. Elle n’était pas des plus fraîches pour ce cours-là, qui demandait rigueur et exactitude. Il suffisait qu’un ingrédient soit mis avec quelques secondes de retard pour que tout explose. Bref, elle était dans la maxi mouise, parce que vu son état, elle était bien capable de mal piler les éléments, voire de les confondre, et de créer un nouvel écosystème dans son chaudron. Ca ferait bien rire Iris et Hugo, cela dit, mais elle préférait quand même éviter. Bougeant la tête, elle se calfeutra confortablement contre lui. Oh, ce n’est pas comme s’il n’était pas d’accord, au contraire, ce type était une grosse peluche qui adorait les câlins, surtout les siens. Ils avaient passé cinq à six mois en couple, il était allé chez elle, elle était allée chez lui, et parfois, Lily se demandait pourquoi ils avaient rompu. Peut-être parce qu’il n’y avait pas d’amour. Elle se sentait bien avec lui, mais comme un ami, pas comme un amoureux. Ah, les filles et leur recherche du prince charmant, ou de la princesse aussi, Lily n’est pas homophobe voyons ! Au bout de quelques minutes de silence, Lily rouvrit les yeux en pensant à un truc qu’elle voulait absolument dire à Jim. Elle tourna la tête pour s’assurer qu’il ne dormait pas, auquel cas elle tiendrait sa langue et attendrait qu’il se réveille. Mais il ne dormait pas, il fixait le ciel avec l’air de planer à dix mille.


D’un souple mouvement, elle se redressa un peu sur les mains pour reculer et se calfeutrer dans les bras de son ex copain. Attention, Lily entre en mode peluche câlins. Elle tendit le cou pour lui poser un léger baiser sur la joue et se réinstalla confortablement. Et que les gens disent ce qu’ils veulent, Lily les emmerde, point barre. Pensant à un nouveau truc, elle esquissa un sourire amusé.

Oula, voilà que sa dignité en prenait encore un coup ! Voilà qu'il se voyait attribué un surnom ridicule, et Lily n'avait pas tord : il avait vraiment apprécié courir après un bâton comme un bon toutou. Peut-être parce que se prendre pour un chien lui donnait une impression de normalité qui lui manquait souvent pendant ces fameuses nuits. Il aurait préféré être un animagus qu'un loup-garou qui sans potion Tue-Loup, aurait pu tuer ce qui était en quelque sorte sa meilleure amie sans le moindre remord. Qui sans potion, aurait tout simplement été un monstre sanguinaire. Un animagus n'était pas craint. Mais il devait bien avouer qu'être un loup avait quelques avantages : il n'avait jamais froid, était solide au point de rarement se faire mal, avait bien plus de force qu'un jeune homme de son âge normalement constitué, avait moins de risque de tomber malade. Ses sens s'étaient également vus améliorés, et son instinct ne l'avait jamais trompé.

« Ce n'était pas une idée aussi suicidaire que ça finalement, c'était sans aucun doute la pleine lune la plus agréable de ma vie. Alors ouep, on le refera ! »

Il le pensait plus que sincèrement. Mais pas tout de suite. Pas à la prochaine pleine lune. Tout de suite, il avait besoin de repos. Le Gryffondor lui fit alors remarquer ses cernes et sa fatigue apparente : un instant, Jim s'attendit à recevoir une gifle amicale et à entendre des exclamations outrées de la part de Lily, vu qu'il venait de prendre le gros risque de lui ébouriffer puérilement les cheveux. Ensuite il se serait faussement excusé, ils se seraient gentiment frappés, auraient ri avant de probablement finir l'un contre l'autre, comme à l'époque où ils étaient en couple. Mais non, au lieu de ça, elle continua la discussion comme s'il n'avait rien fait. Et ça, avec les cernes, indiquait clairement à quel point elle était crevée.

« Mmh, Vitya va devoir me supporter, je vais encore devoir lui demander de me passer ses cours. J'avoue n'avoir pas été aussi courageux que toi cette fois. »

Il ne pouvait que comprendre la fatigue de la Serpentard : après tout, c'était lui qui était dans le même état une fois par mois et qui devait tenir le coup en cours malgré une puissante envie de s'écrouler et dormir comme il l'avait fait aujourd'hui. Au début, ce besoin de repos avait été très difficile à contrer, mais à force il avait réussi à le refouler, bien qu'il le sente en lui. Les transformations étaient douloureuses et lui prenaient une grande quantité d'énergie qu'il ne pouvait récupérer que par le sommeil. Or, à Poudlard, quand la pleine lune tombait en semaine, il lui était impossible de dormir toute la journée comme son corps le lui ordonnait. Et il lui fallait faire avec, s'il voulait que personne ne se doute de rien. Car qu'arriverait-il si son secret venait à être révéler ? Il ne préférait pas à penser : c'était synonyme de bien trop de mauvaises choses. Alors qu'il fixait le ciel silencieusement, Lily s'était calée bien confortablement contre lui, autant dans ses pensées que lui. Automatiquement, par réflexe, il l'entoura de ses bras : n'importe qui les regardant aurait pensé qu'ils étaient un joli couple... mais non. Leur relation était du passé, tous les deux l'avaient accepté sans problème. Ce qui ne les empêchait pas d'être de temps en temps doux l'un envers l'autre, quand ils ne se frappaient pas. C'était probablement ce qu'il appréciait le plus entre eux : le fait qu'ils soient si proches, puissent – presque ? - tout partager sans dépasser le stade de l'amitié.

Après quelques minutes de silence, la voix de Lily le sortit de ses réflexions et il baissa les yeux vers elle, écoutant avec intérêt ce qu'elle lui disait. S'il sourit à ses paroles et en imaginant la scène, se disant qu'il aurait bien voulu être là pour faire ça, il ressentit quand même une sorte de malaise. Parce que ce genre de réactions, celle de ces élèves, de leurs amis, au mot "loup-garou" le ramenait sans cesse à la question qui le perturbait depuis qu'il avait été mordu : comment réagiraient-ils s'ils l'apprenaient ? Ils ne seraient pas comme Lily, non. Sûrement pas. Fuiraient-ils ? Finiraient-ils par l'accepter ? Ou ne le verraient-ils plus que comme un monstre, malgré que la Tue-Loup le rende inoffensif ? Il fut silencieux encore un moment, réfléchissant à la meilleure manière d'exprimer sa pensée, jusqu'à ce qu'elle l'appelle une fois de plus "Monsieur Bâton". Il se mit à rire, détendant ses nerfs fatigués et mis à rudes épreuves.

« Ce n'est pas très glorieux mais si ça te fait plaisir, je l'adopte. Il faudra que je te trouve un surnom du genre, pour qu'on soit au même niveau. »

Il déposa un baiser purement amical sur le front de la rouquine, lui rendant celui qu'elle lui avait offert quelques instants plus tôt, avant de redevenir sérieux, désirant partager avec elle ses doutes. Plus vite il lui en parlerait, plus vite il en serait débarrassé pour un moment.

« À part toi... qui ne serait pas dérangé d'apprendre que je suis un gros chien ? On dirait que même si je suis aussi inoffensif qu'un animal de compagnie grâce à la Tue-Loup, l'avis des gens sur les loups-garou ne changera jamais. Je pourrais courir après ton bâton sous leurs yeux qu'ils seraient encore horrifiés. »

S'il parlait de quelque chose de sérieux à ses yeux, il n'en paraissait pas pour autant déprimé. Au contraire, il abordait le sujet comme une conversation normale et qui ne le perturbait pas. En fait Jim ne souhaitait pas se torturer l'esprit avec ça, il voulait juste un avis extérieur au sien : celui de Lily était le seul qu'il puisse recueillir, et surtout le seul qu'il souhaitait obtenir. Et ensuite, ils parleraient de ce qu'elle voudrait. Et surtout ils profiteraient de leur câlin.

« Je ne pourrai pas garder le secret pour toujours, c'est clair que ça finira par se savoir. Tu penses qu'il se passera quoi ? À part qu'on devra les secouer et les baffer pour qu'ils laissent leurs préjugés de côté ? »

Lily était fatiguée, mais Jim avait l’air encore plus mort qu’elle. Il avait la tête de quelqu’un qui a dormi en prenant son livre de cours comme coussin et qui a eu la chance de ne pas avoir les illustrations dudit livre incrusté dans la peau. Même s’il avait été décoré avec les dessins de sa page de garde, personne n’aurait rien dit vu la force du Gryffondor. Personne, sauf elle. Effet Serpentard ou effet ex-copine ? Qui sait, mais elle ne se serait pas gênée pour se foutre de lui, et il se serait moqué des grosses cernes qui s’étiraient sous ses yeux. Pourtant, elle avait mis la dose d’anticernes, mais ça n’avait servi à strictement rien. Elle sourit quand il dit que finalement ce n’était pas une idée si suicidaire que ça, et qu’effectivement ce serait à refaire. Ah, donc en fait il avait vraiment aimé courir après le bâton comme un toutou débile ? Eh bien, même son chien n’acceptait ce jeu stupide que quand il était dans son quart d’heure de folie. Elle s’étira sans se formaliser du fait qu’il la titille sur ses cernes, et lui répondit l’air de rien, le surprenant un peu. Eh non, pas de baffe pour cette fois, mais si tu es patient, elle veut bien te la donner plus tard, éventuellement. Il reconnut n’avoir pas été aussi courageux qu’elle cette fois-ci, la faisant sourire d’un air amusé.


Vilaine Lily. Elle se cala tranquillement contre lui et il l’entoura tout naturellement de ses bras, comme pendant l’époque où ils étaient encore en couple. Pour quelqu’un qui serait passé, ils auraient fait penser à un petit couple assez attendu. Après tout, deux grosses brutes ensemble, c’est presque logique. Mais entre eux c’était fini depuis un moment. Après ça, Jim était sorti avec Vitya quelques mois, ce qui avait beaucoup fait ricaner Lily et beaucoup énervé Fred, aussi. Fred qui avait lancé des regards de cobra à Jim pendant ces quelques mois, jusqu’à ce que les deux garçons ne se séparent. Bougeant un peu dans les bras de son ex, Lily reprit la parole, le tirant de ses pensées, pour lui raconter ce qu’il lui était arrivé ce matin. Par exemple, un type qui lui demande pourquoi elle est fatiguée et elle qui répond qu’elle a passé la nuit à jouer au bâton et à cache-cache avec un loup-garou. Bizarrement, les gens n’avaient pas cru à la vérité et lui avait préféré un mensonge bateau, à savoir qu’elle a en fait trimé sur son devoir de potions toute la nuit. Les gens sont tellement stupides. Sortant une nouvelle fois de ses songes, elle dit d’une voix pensive que Monsieur Bâton était un surnom qui lui seyait et qu’elle l’adoptait, même si ça manquait effectivement de virilité. Quoique. Mais vous êtes trop jeunes pour comprendre, enfin. Il lui répondit que ça manquait de gloire mais qu’elle pouvait l’appeler ainsi si ça lui faisait plaisir. Trop aimable. Quand il ajouta qu’il devait lui en trouver un, elle ricana.


Elle rit et referma les yeux, aveuglée par la lumière du soleil. Elle se sentait bien, et elle lavait sommeil. Là, si on la laissait faire, elle était bien partie pour dormir dans les bras de Jim, couchée sur l’herbe. Mais le Gryffondor en avait décidé autrement, parce qu’il reprit la parole, la tirant difficilement de la torpeur dans laquelle elle venait de plonger en à peine quelques minutes. Elle rouvrit les yeux et constata que le sujet de conversation était on ne peut plus sérieux. Mis à part elle, qui ne serait pas choqué d’apprendre qu’il est un dangereux loup-garou ? Jim avait raison. Il ne pouvait pas se battre contre la peur des gens. Même s’il jouait avec elle devant toute l’école, en courant après le bâton qu’elle lui enverrait comme le plus inoffensif des toutous, les gens auraient toujours peur, à cause de ce qui se disait sur les loups-garous. Des bêtes cruelles et sanglantes, féroces, qui tuent sur leur passage et qui n’ont pas conscience de faire du mal. Même sous Tue Loup, un loup-garou restait dangereux, aux yeux de la population. Il n’y avait que très peu de monde qui acceptait de fréquenter et couvrir un loup-garou, et encore moins qui acceptaient de le suivre dans la forêt. Lily avait fait les trois. Elle était devenue son amie et était sortie avec lui, et les lendemains de nuits de pleine lune, elle lançait des rumeurs grivoises sur elle et Jim pour expliquer sa fatigue passagère. Ca avait plutôt bien marché, d’ailleurs. Les gens avaient comméré qu’ils étaient sexuellement actifs, ça avait fait beaucoup rire, Lily avait reçu une lettre assez salée de son père qu’elle avait fait lire à Jim en rigolant, bref, le bon vieux temps.


Elle se pinça l’arête du nez pour se réveiller et répondre à la question suivante de son ami. A son avis, que se passerait-il si jamais les gens apprenaient qu’il était un loup-garou ? Que des trucs néfastes, ça c’était sûr.


Lily s’arrêta là. C’était assez éloquent, comme choses risquant de lui arriver.

Miss Croquette. Quel surnom ridicule, digne de gamins de cinq ans. Et pourtant, Jim trouvait qu'il allait très bien à Lily Potter, comme Monsieur Bâton lui collait plutôt pas mal. Ils auraient l'air carrément stupides, s'ils venaient à s'appeler ainsi dans les couloirs comme si de rien n'était. Mais franchement, tous deux s'en fichait royalement. Ils s'amusaient entre eux, et c'était le principal. Ce n'étaient pas quelques rabats-joie qui allait leur empêcher de se comporter comme des mioches. Peut-être viendrait un jour où ils cesseraient de faire les cons de temps en temps, mais le loup-garou ne souhaitait pas que les choses changent. Cette innocence lui convenait tout à fait, et il ne s'en débarrasserait pour rien au monde. Ça l'amusait et l'apaisait à la fois, car s'ils pouvaient se comporter comme les grosses brutes qu'ils étaient, ils avaient leurs instants de douceur et leurs moments enfantins. Comme maintenant, en fait. Des moments particuliers qu'ils ne partageaient pas avec n'importe qui. En tout cas, c'était son cas. Seuls ses très bons amis avaient eu l'occasion de le côtoyer en mode doux et affectueux. Les amis tout court se contentaient du Jim sympathique que toute personne non stupide connaissait.

« Ça te va merveilleusement bien. Personne ne va comprendre sauf nous, mais c'est ça qui est fun. »

Il voyait déjà les regards paumés et les murmures des élèves tentant de trouver une explication à ces surnoms étranges à dix kilomètres. Et ça avait tendance à le faire sourire bêtement. Mais il reprit une expression sérieuse quand ses questionnements personnels sur son état de loup-garou refirent surface dans son esprit. Et il voulu, immédiatement, en faire part à son ex-copine, en qui il avait entièrement confiance et qui était également tout simplement la seule personne à qui il pouvait se confier sur ce sujet, avec sa mère. Et en fait, c'était loin de se déranger. Il ne voyait pas avec qui d'autre il se serait senti à l'aise d'en parler. Les Weasley et les Potter n'auraient pas de trop de problèmes – voire pas du tout – avec sa lycanthropie, certes, mais cependant s'ils devaient l'apprendre, il ne se sentirait pas aussi bien qu'avec Lily. Il ne leur en parlerait pas comme il en parlait avec elle : il ne leur confierait pas ses inquiétudes sur ce sujet si délicat. Peut-être parce qu'elle était la première. La première personne qui sut pour lui et qui réagit comme si cette révélation n'avait rien d'étrange et strictement rien d'effrayant. D'un côté, Jim commençait à sérieusement se demander si quelque chose ou quelqu'un avait vraiment le pouvoir de faire peur à la Serpentard. Le pouvoir de l'ébranler.

Et justement, il se demandait quelle serait la réaction des élèves s'ils venaient à apprendre la vérité à son sujet. Sa réponse personnelle était principalement la peur, le dégoût voire la haine. En fait, il n'était franchement pas positif et... il y avait de quoi. Il suffisait d'écouter les commentaires lors du cours de Défense Contre les Forces du Mal, lorsque les loups-garou en étaient le thème. Malgré la création et l'évolution de la Tue-Loup, ils étaient toujours aussi mal vus qu'auparavant. Et Lily ne mâcha pas ses mots pour le lui confirmer, encore une chose qu'il appréciait chez elle : il n'avait pas à craindre qu'elle adoucisse ses propos pour que la vérité passe plus facilement. Avec elle c'était l'honnêteté ou rien du tout.

« Et après on dit que les mentalités changent... ou pas, quoi. »

Il se redressa un peu plus contre l'arbre et commença à faire marcher son index et son majeur sur le ventre de la jeune fille, un léger sourire commençant à étirer ses lèvres. Oui, après tout il n'était pas complètement tout seul contre l'école. Quelques-uns seraient de son côté et c'était bien mieux que rien. En plus, les célèbres rouquins et la famille du Survivant n'étaient pas n'importe qui, dans le monde magique.

« Heureusement que j'ai une horde de Weasley et de Potter pour me soutenir et jouer au bâton avec moi, c'est toujours ça. 8D »

Après quoi il demanda son avis sur ce qu'il se passerait. Une fois de plus, il savait qu'il n'y aurait aucun point positif dans la réponse. Et c'était fort triste, parce qu'autrement dit, une seule erreur le mènerait à une vie de misère. En tout cas, vu tout ce que Lily lui déballait, il risquait d'avoir la vie dure si sa lycanthropie se voyait dévoilée à l'école, et ensuite au monde sorcier. Les grands titres dès le lendemain étaient facilement imaginables : "Un loup-garou à Poudlard depuis 6 ans !" "Un monstre dans l'école la plus réputée qui soit, menace vos enfants !" Quel scandale, n'est-ce-pas ? Et quelle honte, qu'une cracmolle ait réussi à se fournir et lui envoyer de la Tue-Loup en douce, sans se faire notifiée ! Jim finit par hausser les épaules et répondit en jouant avec une des mèches de cheveux de son ex-copine.

« Ouais, en fait j'ai intérêt de continuer à bien me couvrir si je veux vivre un minimum correctement. Merci de votre éternelle franchise, Miss Croquette de mon coeur. »

Oui oui, il y a des moments comme ça où il est purement adorable, voire trop mignon. Au moins maintenant, il n'y penserait plus pour quelques temps, et il était sûr de son sort s'il venait à merder. Autant ne plus trop y penser tant que ce n'était pas le cas, hein ! Assis le plus confortablement possible, la rousse contre lui et le doux soleil d'octobre lui réchauffant le visage, Jim se sentait vraiment bien, même s'il devait lutter pour ne pas s'endormir. S'il pouvait passer ses journées comme ça toute sa vie, il ne dirait pas non, à condition d'avoir une bonne grosse dose d'adrénaline de temps en temps. Ou souvent, en fait.

« Alooors, c'est moi ou ta vie amoureuse est aussi vide que la mienne depuis quelques temps ? » Il réfléchit un instant. « À force de taper tout le monde, on leur fait peut-être peur. Comme si, nous, on était violents, vraiment ! »

Et une petite tape pour le souligner. Héhé.

Miss Croquette et Monsieur Bâton. Mine de rien, il fallait être sacrément perché pour inventer des surnoms pareils. C’était peut-être la raison pour laquelle c’était Lily qui les avait trouvés, en fait ! Elle sourit d’un air narquois en réalisant qu’ils auraient l’air ridicule s’ils venaient à s’appeler comme ça devant tout le monde. Tellement ridicule que ça peut en briser une solide réputation. Tellement ridicule … qu’elle se devait d’appeler Jim comme ça devant tout le monde, pour qu’il lui renvoie son propre surnom à la gueule. Le ridicule ne tue pas, puis à dix-sept ans, faut bien s’amuser un peu non ? Elle ricana quand il dit que personne n’allait comprendre à part eux. Ouais, mais c’est justement ça qui est rigolo. Elle s’étira comme un chat pour mieux se caler dans les bras de son ex petit ami, ignorant avec superbe la petite voix dans sa tête qui lui disait qu’elle devrait quand même mettre un peu de distance, parce que c’est son ex, pas son copain. Quid du loup-garou ? Ah mais ça on s’en fout, ça ne rentre pas en compte, que Jim soit un caniche baveux à grandes dents. C’est pour mieux vous manger, mes enfants. Bref. Jim la sortit une nouvelle fois de sa torpeur pour lui demander ce qu’il se passerait si les gens apprenaient qu’il était un loup-garou. Prenant le temps de la réflexion, elle finit par lui répondre d’une manière assez directe, sans s’embarrasser d’enjoliver les choses pour ne pas heurter sa sensibilité. L’un comme l’autre savaient qu’elle allait toujours droit au but et que c’était de toute manière ce qu’il lui demandait. Il hocha pensivement la tête, avant de répondre que les mentalités ne changeaient pas tellement, en fait. Ah ça c’est sûr. Il suffisait de voir les réactions en Défense Contre les Forces du Mal, pendant le cours abordant la lycanthropie. Lily s’était bien faite remarquer à ce cours vu qu’elle avait défendu les loups-garous en disant qu’ils choisissaient d’être des bêtes sauvages, les autres prenaient de la Tue Loup et étaient aussi inoffensifs que des loups tout ce qu’il y a de plus banal. Le prof avait peiné à les calmer, ce jour-là.


Elle gigota un peu quand Jim commença à lui chatouiller le ventre. Hey, pas le ventre, sinon elle te bouffe le nez ! Elle sourit à sa nouvelle phrase, vu qu’il disait qu’il avait quand même la horde de Weasley qui acceptait de jouer au bâton avec lui. J’avoue. Avant qu’elle ne reprenne la parole, il lui posa une nouvelle question, à savoir ce qu’il se passerait qu’il se dévoilait. Lily prit à nouveau le temps de la réflexion pour lui répondre calmement tout ce qu’elle en savait. Et étant la fille d’un Auror – et la nièce de plusieurs hauts gradés du ministère – elle en savait assez long sur l’affaire, en fait. Il y aurait des poursuites judiciaires parce qu’il ne s’était pas déclaré avant. Sa mère en aurait aussi pour ne pas l’avoir déclaré, pour l’avoir caché et pour lui avoir fourni de la potion Tue Loup achetés illégalement au marché noir. Il serait renvoyé de Poudlard, et il ne trouverait pas de travail. Bref, sa vie serait un véritable enfer, et même son père, connu pour son ouverture d’esprit, ne pourrait absolument rien pour lui s’il ne présentait pas les diplômes adéquats. Jim soupira, et d’un ton moqueur, dit qu’il avait intérêt à bien se couvrir s’il voulait vivre longtemps. Lily gloussa, se retourna sur le ventre et s’appuya sur les coudes pour jeter un regard narquois à Jim.


Elle ricana. Lui, un loup-garou, attraper un rhume ? Oui bien sûr, et elle, elle avait le vertige, évidemment. Commençant à avoir mal aux coudes, elle se retourna sur le dos pour s’appuyer à nouveau sur la jambe de Jim et recommencer sa sieste. Elle était bien, là, comme ça, avec le soleil qui l’endormait et Jim qui faisait mumuse avec ses cheveux roux. Cependant, le loup-garou brisa une nouvelle fois le silence pour lui demander d’un ton taquin comment allait sa vie sentimentale. Etait-elle aussi plate que la sienne ? A force de taper tout le monde, peut-être qu’ils finissaient par leur faire peur ! Lily prit un air hautement indigné. Elle, violente ? Allons, jamais, voyons !


Elle ricana et lui donna un coup de coude dans la jambe quand il lui donna une petite tape pour souligner leur non-violence. Mais qu’ils sont mignons. Un vrai couple, en fait. Ou pas, vu qu’ils n’étaient plus en couple depuis un an. Enfin bref on s’en fout.